Sortir la tête de l'eau.

Je retrouvais petit à petit le sens si particulier du toucher. Je passais de l'état d'insensibilité à celui de créature vivante. Je ne savais même pas ce que je percevais, mais je sentais, et c'était bon. Je bougeai faiblement les doigts, quelque chose dessous accepta de me suivre et se plia un peu plus. Je pris conscience que tout mon dos était en contact avec quelque chose de plat et de chaud. Mon poids m'entraînait vers l'arrière, mais la surface su laquelle était posé l'empêchait de tomber. Posé ? peut être étais-je allongé. Je ressentais la gravité qui m'attirait vers le bas, sur toute la surface de mon corps. En y réfléchissant c'était logique, si j'avais été inconscient, je n'étais pas resté debout. Je devais donc me trouver dans un lit, et ce que je plissais sous mes doigts impuissants, c'était sûrement les draps.

Mon nez me brûlait légèrement, une odeur que je ne connaissais pas vraiment devenait plus nette à chaque instant. Un mélange qui avait quelque chose à voir avec le violet…. Mais je n'arrivais pas à me remémorer ce qui dégageait cette fragrance. Tant pis, j'aurai l'occasion de me poser la question plus tard. Quelque chose passa sur mon visage avec une infinie douceur. Je ne savais pas ce que c'était, cela passait régulièrement sur ma joue et mon nez, toujours dans le même sens, pendant plusieurs secondes, sans interruption. Je ne me figurais pas de ce qu'était cette caresse mais j'eus le sentiment profond que j'aimais ça, même avant. Avant quoi ? Je ne savais plus.

Mon univers de noirceur devint progressivement rouge. Enfin pas tout à fait. J'eus la vague impression qu'il y avait quelque chose de clair derrière un rideau noir trop fin pour le retenir complètement. J'avais envie de sourire de ma propre bêtise. J'avais les yeux fermés, voilà tout, et je recouvrai la vue comme mes autres sens, tout doucement. Ma main se décontracta, et ma paume reposa à nouveau sur les draps. C'était doux. Instinctivement je me mis à penser au coton, voilà quelque chose qui m'était revenu facilement. Je me représentais mentalement la petite boule blanche nuageuse en haut de sa tige noire. Cela y était, je me souvenais aussi de la fleur qui produisait l'odeur autour de moi. La lavande.

Une saveur chaude envahit ma bouche, je retrouvais le goût. Je commençais à construire des pensées cohérentes les unes avec les autres. L'idée des cinq sens me parut évidente. En revanche, j'étais incapable de dire qui j'étais, comment je m'appelais, mon adresse, mon numéro de téléphone, mon métier ? non….. je n'avais pas de « métier », c'était une certitude…. Mais pourquoi ? Je ne me visualisais pas, je n'avais aucune idée de à quoi je ressemblais. Étais- je une fille ? un garçon ? quel âge pouvais-je avoir ? Trop de questions, je fus pris d'un mal de tête fulgurant. Mon visage se tordit en une grimace douloureuse et je pris conscience de mes muscles. Je pouvais bouger, mais je ne savais plus comment faire.

Tout était calme. Il n'y avait pas un bruit dans la salle. Je fis bouger mes yeux comme si je cherchais à regarder à droite et à gauche. Je me sentais bien. J'eus le courage d'ouvrir doucement les yeux. La lumière m'agressa violemment. Je remontai un bras au dessus de mes yeux pour me protéger.

Je tournais la tête vers la gauche, je vis une coiffeuse avec un grand miroir. Je vis un être d'allure très féminine, aux cheveux bleus clairs, aux yeux d'océan pur soulignés par de longs cils noirs. Sa peau était d'une blancheur précieuse, ses bras d'une finesse subtile. En voyant mon reflet, j'eus du mal à y croire. Je me levai lentement du lit pour m'asseoir devant le miroir.

Je regardais la glace d'un air incrédule. Je touchai sa surface du bout tremblant de mes doigts, c'était froid, je retirai ma main comme si elle avait été brûlé. C'était désagréable. Mais face à ma propre image les choses me revinrent petit à petit... La suède... Le Réseau... Saga... Le sanctuaire... Le "métier" d'assassin... La guerre contre les bronzes... l'Hadès... moi en surplis... l'Hadès encore.... Et puis...

Et puis quoi? Je soupirai. J'étais de retour... Et je ne savais pas si c'était une bonne ou une mauvaise chose.